Elle attend, la Chinoise... elle attend le plaisir qu'elle ne connait pas, ou qu'elle découvre à peine, le plaisir qui lui a été si longtemps défendu. L'orgasme est bourgeois, tout plaisir est bourgeois, le coit n'a qu'un but: la procréation. Voilà ce que le Parti a fait raisonner dans la tête des femmes pendant des décénies. Et la voilà qui se réveille à peine, et qui découvre son corps, et qui découvre les MST, et qui ne trouve pas de planning familial, dans ce pays où le moyen de contraception le plus utilisé est... l'avortement.
Elle vient d'un monde où la femme a été martyrisée sous prétexte de sensualité, pieds bandés et meurtris pour plaire aux hommes, puis martyrisée sous prétexte de bourgeoisie, seins bandés et vareuse bleue, et la voilà mitraillée par les publicités occidentales, qui vantent les poitrines généreuses (vraies ou fausses) et le sexe à tout prix. Toujours exploitée, la Chinoise est disponible dans les KTV, salons de massage, saunas, boites de nuit, salons de coiffure et autres bordels dissimulés, où elle vend son corps avec la facilité de celle qui le conçoit comme une marchandise.
Dans les années 1990, 80% des rapports sexuels ne duraient pas plus de 2 minutes. Et 90% des femmes interogées en 1990, même mariées, ne connaissaient pas le sens du mot orgasme.
Aujourd'hui, l'"idéologie du désir limité" (Liu Dalin) est périmée, et coquetterie et féminité sont de mise, mais le sexe reste un tabou...