Elle est belle. Elle a mis une robe de princesse. Les cheveux peignés juste comme il faut, un peu à la va-vite. Un grand voile en tulle. Et puis elle se retourne. Sa robe tient par des épingles à nourrice. Elle est bien trop grande. C'est pas la sienne. L'agence la lui prête, c'est juste pour la photo. Dans trois mois, le mariage; mais on fait les photos avant, avec plein d'autres robes. On a booké le week end juste pour l'occasion, l'agence est à Beidaihe. Des photos romantiques en bord de mer, le rêve. Elle espère que le photographe va bien cadrer, ça serait moche de voir les détritus à ses pieds. Et les baigneurs en fond. Et puis les pataugas qu'elle a aux pieds, parce qu'à force de parcourir la ville pour poser, elle avait des ampoules.

Elle attend son tour. Deux autres couples sont prévus sur le même créneau horaire. Les mêmes poses sont prévues. Celle où ils sautent en faisant un V avec les doigts. Celles où ils imitent Titanic. Celle où ils regardent leurs mains, à genou dans le sable. En attendant, il fume une cigarette, elle joue avec une étoile ramassée au milieu des plastiques échoués. Juste avant, elle a posé dans les studios de l'agence, assise devant un faux piano en contreplaqué. Ca a l'air de le gonfler, mais elle est radieuse. L'assistante du photographe court partout pour dire aux nageurs de dégager du champs. Le photographe mitraille. Il n'est pas seul: 16 Français hallucinés ont sorti leur numérique.